L'article est un beau portrait de ce folkloriste. Je vais contrevenir à la loi en souhaitant que Le Devoir saura me le pardonner. Je publie l'article de M. Bernard en entier. J'espère que je ne mets pas sa carrière en péril. Enfin… Je prends ici une liberté.

Gabriel Labbé
Le Devoir
CULTURE, vendredi, 17 août 2007, p. b4
Gabriel Labbé: le visionnaire de la mémoire vive
Bernard, Yves
Brillant harmoniciste, formidable livreur d'hommages, authentique ethnologue populaire, Gabriel Labbé est de la race des humbles, de ceux qui cultivent patiemment la mémoire sans volonté d'épater la galerie à coups de flashs instantanés; de ceux qui retracent les trésors enfouis pour mieux les léguer dans leur forme la plus pure.
Plus de 40 ans de recherches à la dure à consulter l'annuaire téléphonique pour trouver les musiciens oubliés; à courir les encans pour retrouver les disques perdus; à acheter des cylindres aux États-Unis; à écrire deux livres sur le sujet; à monter une collection de plus de 1500 titres qu'il a léguée à la Bibliothèque nationale du Canada; à collaborer avec les institutions les plus prestigieuses comme l'américaine Folkways, avec qui il a fait paraître cinq vinyles, ou avec Radio-Canada, qui lui a permis de publier les quatre CD de 100 ans de musique traditionnelle québécoise.
Gabriel Labbé est un véritable monument national, au même titre que les Jean Carignan, Philippe Bruneau et Marcel Messervier: un peu comme notre Buena Vista Social Club à nous; un Buena Vista sans la machine industrielle et avec pour seuls outils une mémoire implacable et un petit instrument aux anches aussi sensibles que lui; un Buena Vista québécois dont il serait à la fois le rassembleur et le principal artiste.
Mais l'heure est maintenant venue de lui faire récolter les honneurs. Vendredi dernier, la SPDTQ, organisatrice de la Grande Rencontre, lançait les DVD Gabriel Labbé, un passionné d'harmonica, volume 1: Documentaire et Gabriel Labbé, un passionné d'harmonica, volume 2: En concert. Deux productions modestes réalisées sans grands moyens par Louise de Grosbois, mais deux purs chefs-d'oeuvre d'intégrité et d'héritage.
Le premier document présente Gabriel chez lui, en entrevue avec Gilles Garand, parlant peu, mais se livrant à la bonne franquette, se rappelant les premiers airs qui ont marqué sa jeunesse, s'amusant avec une bonne vieille Marine Band ou s'envolant sur ses harmonicas plus sophistiqués avec des trémolos à anche double. "Pour ce document, j'ai interprété des pièces qui m'inspiraient sur le moment. On parlait, je jouais et oups, une autre me venait. C'est comme ça que la rencontre s'est faite. C'est juste de la mémoire. J'appelle ça des tiroirs. Tu en ouvres un et les autres sont là et t'attendent. Quand je fais une pièce, j'en vois un paquet d'autres."
Puisque la santé n'est plus comme avant et que le souffle, il le garde maintenant "pour la maison", En concert propose le répertoire des deux dernières prestations publiques: celui de la Grande Rencontre il y a deux ans et celui du Gesù enregistré moins de deux mois plus tard. "J'ai pensé léguer l'héritage de plusieurs morceaux que j'ai appris auprès des différents musiciens que j'ai rencontrés", dit-il.
À ces musiciens, il voue un culte absolu. "À cause de la variété de son jeu, Henri Lacroix est l'harmoniciste qui m'a le plus influencé." Et tous ces autres: Jo Bouchard au swing sec et énergique, Don Messer au glissando plus romantique, Les Montagnards laurentiens aux ornementations jazzées, Joseph Allard au style ornementé, Omer Dumas et son sens de l'orchestre, Alfred Montmaquette, porteur de valses, de marches et de musiques de fanfare... la liste est encore longue. Et les styles abordés. "J'aime beaucoup la galope, qui est moins rapide que le reel, mais qui offre plus de possibilités. La valse quant à elle te permet, à cause de sa lenteur, d'exprimer beaucoup d'émotions et de sentiments."
Gabriel a tout absorbé, de la bonne chanson au quadrille et même à quelques nostalgies irlandaises. À des lieux du swing croche, il a su développer l'art de la respiration dans la musique traditionnelle, redonner ses lettres de noblesse à un instrument jadis considéré comme une sorte de jouet pour enfants, souffler doucement sans brûler l'instrument, quitte à s'envoler pour la danse, embellir une mélodie, ornementer avec virtuosité. Pour tout cela, l'ensemble de son oeuvre se résume en un mot: respect!
Collaborateur du Devoir
- Les DVD Gabriel Labbé, un passionné d'harmonica, volume 1: Documentaire et Gabriel Labbé, un passionné d'harmonica, volume 2: En concert sont distribués par la SPDTQ. Renseignements: tél: 514 273-0880
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